Ce texte est issu de 22 rencontres disparates mais amusantes, étonnantes ou encore surprenantes… Le texte original est paru dans la Dépêche de Tahiti, édition du Dimanche durant les années 1995 et 1996
Il est plutôt grand, un mètre quatre vingt, sa peau est bleu-noire, laissant par contraste un impressionnant dessin en clair, aux volutes magiques. Son regard n’a rien d’amical, je sens son irritation à fleur de culture. C’est ma première rencontre avec un « pro », il déclame, le ton altier:
– Je suis l’un des premiers tahitiens de la nouvelle génération entièrement tatoués, j’ai fait le choix de devenir entièrement tatoué suivant la tradition de mes ancêtres. Je travaille toujours avec deux machines que j’équipe d’aiguilles neuves. Si au cours du travail l’une d’entre elle a un problème, je n’ai qu’à changer instantanément de machine, mon client n’a pas à attendre.
– Question des aiguilles?
– Il est idiot de ne pas mettre d’aiguilles neuves car elles sont peu coûteuses et s’abîment très facilement, quand on est fier de la qualité de son travail, on utilise toujours des aiguilles neuvesJe travaille toujours à main levée après avoir dessiné au stylo les grandes lignes du dessin. Tous mes motifs sont ainsi uniques et originaux. Pourtant, je ne tatoue pas uniquement des motifs Maohis, j’utilise aussi des sources d’inspiration marquisiens ou américains, cela dépend surtout de celui qui va recevoir le tatouage.
– Comment avez-vous débuté cette profession ?
– Je n’ai jamais demandé à être tatoueur, c’est une sorte de mana (force occulte) qui m’a poussé vers ça, c’est ce mana qui appuie mes dessins.
Quand je les ai finis, il y a toujours quelque chose de plus que moi-même, un autre signifié, c’est l’influence de ce mana.